LAMBEAU DE MUSCLE GRAND PECTORAL
Le lambeau de muscle grand pectoral est un lambeau pédiculé sur la branche pectorale de l’artère thoraco-acromiale, elle-même issue de l’artère sous-clavière. C’est un lambeau fiable, de prélèvement simple et rapide. Il peut être prélevé avec ou sans palette cutanée selon les impératifs de reconstruction.
Son arc de rotation lui permet de réparer des pertes de substances allant jusqu’à la cavité buccale et l’oreille externe. Ses indications principales sont la réparation de perte de substance pharyngée, la couverture de sutures pharyngées après laryngectomie totale de rattrapage, ou la couverture vasculaire, notamment dans le cadre d’un curage de rattrapage. Il peut être utilisé en situation de recours, notamment en cas de perte de lambeau libre ou dans un cou non dissécable ou déplété en vaisseaux.
Son caractère épais et difficilement conformable le rend toutefois moins performant que les lambeaux libres pour la reconstruction de pertes de substance circulaires du pharynx ou de pertes de substance de la cavité orale.
PLAN
1. Installation du patient et dessin du lambeau
Patient en décubitus dorsal, le champage inclut la clavicule, le sternum jusqu’au processus xyphoïde, le sillon sous-pectoral (ou sous-mammaire) et remonte en direction de l’aisselle sans l’inclure. Le sillon sous-pectoral n’est pas toujours bien défini ; il est donc utile de savoir que le muscle s’insère jusqu’à la 6ème côté incluse. La reconstruction constitue le dernier temps opératoire. Après mesure de la perte de substance à reconstruire, le dessin de la palette peut être réalisé.

Le dessin de la palette cutanée se fait en fonction de la projection cutanée du trajet du pédicule principal.
Une première ligne est tracée de l’acromion au processus xyphoïde. Puis, une deuxième ligne verticale médioclaviculaire est tracée et vient croiser la première ligne.

La racine du pédicule se situe en position médio-claviculaire, juste sous la clavicule, suit la deuxième ligne (verticale) puis rejoint la première ligne dans un trajet d’abord sous-musculaire (dans la lame porte-vaisseaux) puis se divise et devient intra-musculaire en distalité.
La palette cutanée est placée en regard du trajet du pédicule, en dedans de l’aréole. Les perforantes sont plus nombreuses dans le 4ème espace inter-costal, qui doit être emporté.

Si les impératifs de reconstruction imposent une grande palette ou un arc de rotation plus long, la palette peut descendre jusqu'à la partie sous-pectorale sur 2 à 3 centimètres (caudalement à l’insertion du muscle sur la 6ème côte). Cette zone est moins fiable car vascularisée « au hasard ». Lorsque la situation exige une grande palette qui dépasse la sixième côte, certains auteurs recommandent d'emporter l'aponévrose du muscle grand droit, à la face profonde de la partie distale du lambeau afin d'améliorer la fiabilité de la vascularisation « au hasard ».
Une palette cutanée trop petite (moins de 5 à 6 cm) expose au risque de ne pas avoir suffisamment de perforantes. A moins qu’elle soit centrée sur le 4ème espace intercostal (où il y a la seule perforante musculo-cutanée constante) dans les faits, cela est rare car l’arc de rotation est insuffisant pour la reconstruction cervico-faciale.
Chez la femme, la palette cutanée peut être prélevée dans le sillon sous-mammaire pour dissimuler la cicatrice et prélever moins de glande mammaire. Si la technique est maitrisée, privilégier un lambeau de muscle grand dorsal chez la femme.
2. Incision cutanée
La palette cutanée est incisée associée à une contre incision verticale. Puis la dissection se poursuit généralement au bistouri électrique obliquement autour de la palette cutanée jusqu'au muscle grand pectoral afin de ne pas léser d’éventuelles perforantes situées en périphérie du lambeau.
Certains chirurgiens placent des points de suture anti-savonnage entre le muscle et la palette cutanée pour éviter le cisaillement des perforantes. Cela est particulièrement pertinent chez les patients avec un tissu graisseux sous-cutané très développé.
En cas de lambeau musculaire pur, l’incision est verticale et la dissection se porte d’emblée jusqu’au muscle. L’aponévrose superficielle du muscle peut être préservée pour en faciliter la suture. Dans certains cas, surtout chez les femmes, une incision sous-mammaire remplace l’incision verticale avec néanmoins la nécessité de réaliser une seconde incision sous-claviculaire.
3. Libération musculaire
Une fois la face antérieure du muscle grand pectoral complètement libérée (sauf au niveau de la palette cutanée), le bord latéral du muscle est identifié et désinséré progressivement pour visualiser le muscle petit pectoral avec de libérer le muscle grand pectoral de ses attaches costales (afin de ne pas désinsérer le muscle petit pectoral lors de la libération des attaches costales latérales).
Le plan entre le muscle petit pectoral et grand pectoral est alors identifié. C’est dans ce plan aisé que la dissection se fera. Le muscle petit pectoral est laissé en place.
Désinsertion du muscle en inférieur de la palette cutanée puis libération en profondeur des muscles intercostaux et des côtes en emportant toutes les fibres du muscle grand pectoral. En médial, le muscle est progressivement libéré de ses attaches sternales. Les perforantes provenant de l’artère thoracique interne à chaque espace intercostal sont cautérisées.
Le muscle est ainsi progressivement libéré vers le haut.
Le pédicule est rapidement visualisé dans sa lame porte-vaisseaux (1 artère et 2 veines le plus souvent), il existe un pédicule accessoire (issu de l'artère thoracique latérale) latéralement au pédicule principal. Celui-ci est sectionné dans la majorité des cas mais il peut être préservé si la longueur nécessaire de pédicule le permet.
La section musculaire converge progressivement vers la lame porte-vaisseaux, en laissant en place des fibres du muscles pectoral au niveau des insertions humérales (l’humérus n’est jamais visualisé lors de cette chirurgie) et souvent sternales.
La dissection est ainsi remontée de bas en haut sous contrôle visuel du pédicule, par une dissection atraumatique (au doigt ou à la noisette). Une fois le pédicule visualisé, il est possible de limiter la quantité de muscle pectoral emportée dans le lambeau.
Des nerfs moteurs pour le muscle grand pectoral sont habituellement visualisés et doivent être sectionnés (ce qui entrainera, à terme, une atrophie musculaire).
Note : la section musculaire peut idéalement se faire avec des instruments de thermocoagulation (Ligasure, ultraciseur…).
4. Transfert du lambeau
Une fois le muscle libéré, un tunnel sous-cutané est réalisé au-dessus de la clavicule, dans le plan en continuité avec le lambeau sous-platysmal.
Le tunnel doit être suffisamment large pour permettre le passage du lambeau et éviter une compression future du pédicule, source d’échec (il faut pouvoir passer 3 à 4 doigts à travers le tunnel).
Une fois le lambeau transféré à la zone receveuse, vérification de l’absence de torsion du pédicule.
5. Fermeture de la loge pectorale
Après hémostase, mise en place de deux drains.
Réalisation d’un surjet hémostatique sur les moignons musculaires laissés en place (généralement au niveau huméral et sternal).
Fermeture directe en deux plans ce qui est généralement possible si la palette fait moins de 8cm de largeur, sinon possibilité de compléter par greffe de peau mince ou épaisse en fonction des impératifs de reconstruction.